Par Maurice Thévenet Professeur au Cnam et à Essec Business School
L’AGRH rassemble principalement des enseignants-chercheurs. Cette mission est sans doute ce qui nous définit le mieux, un facteur d’identité en quelque sorte. D’ailleurs tous les organismes d’accréditation auxquels nous sommes soumis insistent bien sur la nécessité et l’importance de la recherche qui constitue un des facteurs principaux de la qualité de l’enseignement et de notre utilité sociale en quelque sorte.
Mais faut-il enseigner la GRH ? Certaines écoles ont supprimé la discipline de leur curriculum : un directeur se disait prêt à la réintroduire dès que les recruteurs le lui demanderaient… Par ailleurs, les entreprises disposent de systèmes d’informations et processus tellement sophistiqués qu’ils ne rendent pas indispensables les compétences en la matière : la bonne connaissance du droit et des SI ne serait-elle pas suffisante ? On n’évoque même pas la vague du numérique et du big data qui traitent avec efficacité les questions fondamentales de la GRH, c’est-à-dire le staffing et le contrôle des comportements.
Plus fondamentalement, des chercheurs qui font profession d’un esprit critique et ouvert pourraient-ils faire l’économie d’une réflexion approfondie sur leur mission ? Dans le cadre d’un billet d’humeur, il est permis de contribuer à la réflexion en distinguant ce que l’enseignement à la GRH devrait éviter et ce sur quoi elle devrait se focaliser.
Enseigner les RH, ce n’est pas…
Ce n’est pas seulement dire ce qui se passe. Les cas sont intéressants et nécessaires, comme les interventions des professionnels mais enseigner ce n’est pas simplement montrer la réalité comme si elle existait, comme s’il suffisait de raconter une histoire de terrain – dont les enseignants sont parfois trop éloignés – pour faire enseignement.
Ce n’est pas seulement transmettre des connaissances, dans cette belle logique taylorienne selon laquelle certains produiraient de la connaissance pour les transmettre ensuite aux masses ignorantes dont ce devrait être la seule ressource pour être pleinement efficaces.
Ce n’est pas prêcher, c’est-à-dire transmettre ses convictions et ses opinions comme si les enseignants étaient une sorte d’avant-garde éclairée ; ce n’est pas non plus voir la GRH seulement à l’aune des problèmes auxquels on s’identifie le plus.
Ce n’est pas dire et faire ce que les auditeurs ont envie d’entendre et Dieu sait si les apprentis RH ont souvent leur idée de la matière avant même d’avoir commencé de l’apprendre.
Enseigner les RH, c’est …
Ne pas enseigner mais permettre aux auditeurs d’apprendre. C’est sans doute le plus difficile et cela prend tellement de temps et d’expérience aux enseignants pour le comprendre.
C’est demeurer dans la théorie contre vents et marées, c’est-à-dire ouvrir en permanence à d’autres nouvelles manières de regarder. La plus grande difficulté de la GRH, comme de toutes les sciences humaines, c’est que chacun a toujours l’impression de comprendre … même les enseignants parfois. Pas facile de ressentir le besoin d’apprendre si j’ai l’impression de déjà tout comprendre.
C’est une relation selon la belle étymologie de la « pédagogie » et il n’y a de sens à un enseignement qu’en assumant cette relation.
C’est avant tout aimer enseigner mais on atteint des domaines que ni les référentiels de compétences, ni les procédures absconses de sélection et d’évaluation des enseignants, ni les bureaucraties éducatives ne sauront malheureusement jamais