Pour le numéro spécial : Entreprises de l’Afrique en émergence
Une littérature abondante a traité des freins au développement de l’Afrique. Plus récemment, de nouveaux courants de recherche ont tenté de promouvoir une vision plus positive des potentialités économiques de ce continent. Il ne s’agit pas de nier les nombreux obstacles à la prospérité qu’on y rencontre, mais de montrer comment des firmes « enracinées », « agiles » conduites par de bons connaisseurs du contexte africain, qu’il soit institutionnel, social, culturel ou politique, parviennent à développer malgré tout des entreprises rentables et en croissance.
Comment ces dirigeants s’y prennent-ils exactement ? C’est une question que les travaux que nous souhaitons publier dans ce numéro spécial peuvent éclairer en présentant des parcours d’entrepreneurs africains, des histoires d’entreprises nées sur ce continent, et en apportant des détails sur les pratiques d’affaires, sur la gouvernance des entreprises, et sur les dispositifs de gestion qui réussissent (ou échouent) dans ces contextes difficiles.
Il faut aborder la question du métissage entre les manières d’agir locales et les techniques et normes importées. Comment départager les importations utiles, jouant un rôle positif pour la croissance des entreprises, et celles qui sont des sources de blocage ? Comment distinguer celles qui contribuent au développement humain du pays et celles qui le contrarient ?
Les programmes de coopération se multiplient entre les business schools européennes et africaines, mais que faut-il enseigner ? De quel matériel pédagogique pertinent et adapté dispose-t-on? Comment créer un savoir alors que la recherche empirique sur les entreprises locales est embryonnaire ?
De grands cabinets de conseil internationaux et des organisations comme le FMI et la Banque Mondiale formulent des diagnostics et prescrivent des solutions pour l’Afrique, mais leurs conseils résistent-ils à l’épreuve des faits ? Qui les suit et quels en sont les résultats ?
Telles sont les questions que nous souhaiterions approfondir dans le numéro spécial consacré aux entreprises de l’Afrique en émergence. Sans exclure des travaux sur les start-up, l’économie informelle et les entreprises sociales et solidaires, notre intérêt ira principalement vers des entreprises nées localement, en expansion rapide ou en voie d’internationalisation Sud-Sud. Les joint-ventures internationales nord-sud, et les filiales africaines de multinationales européennes, américaines, indiennes ou chinoises pourront aussi être étudiées, puisque l’on sait que le périmètre et l’actionnariat des entreprises sont changeants. Ce qui paraissait une entreprise locale peut en quelques semaines devenir une entreprise internationalisée. Réciproquement une entreprise née dans un contexte colonial ou néocolonial peut redevenir une entreprise locale.
Qu’il s’agisse de l’actionnariat, des relations avec les pouvoirs publics, des relations inter-entreprises, des pratiques comptables, fiscales et financières, des techniques de fabrication, de vente, d’innovation ou encore des relations salariales, nous chercherons à analyser des pratiques et à les décrire telles qu’elles sont, sans préjuger de ce qu’elles devraient être et sans les évaluer en référence à des normes venues de l’étranger ou promues par des organismes internationaux.
Nous insisterons sur la nécessité de contextualiser les recherches, les concepts et les théories, de promouvoir des travaux sur l’Afrique réalisés par des Africains, d’adapter les méthodes déployées sur le terrain, et surtout, de bannir les recherches « hors-sol » afin d’éviter ce que Voltaire nommait des « faussetés admirablement déduites » (Lettres Philosophiques XXV, 1734); et que nous pourrions appeler des réponses erronées à de vrais problèmes.
Coordonnateurs du numéro spécial :
Michel Berry, École de Paris du Management, Françoise Chevalier, Professeur, Groupe HEC, Michel Villette, Professeur, AgroParisTech
Conditions de réalisation du numéro spécial :
Les articles proposés seront présélectionnés par les coordonnateurs du numéro avant d’être soumis – comme tous les articles de la revue –, à une évaluation anonyme par deux relecteurs.
Chaque décision communiquée aux auteurs sera discutée collectivement en comité de rédaction. Elle sera systématiquement motivée, rapports des relecteurs à l’appui. Les avis transmis aux auteurs seront classés en quatre catégories:
• Accepté pour publication (éventuellement avec quelques corrections mineures).
• Demande d’une seconde version puis, éventuellement, d’une troisième.
• Article rejeté, mais qu’il est possible de soumettre à nouveau dans une version entièrement différente.
• Article rejeté.
Les soumissions devront être de 40 000 signes environ, accompagnées d’un résumé de 1 000 caractères.
Le numéro spécial comprendra au plus cinq articles, selon le nombre d’articles acceptés.
Des articles supplémentaires pourront être publiés par la suite, s’ils sont retenus.
English-speaking researchers may submit their papers in English. `
Calendrier de réalisation :
• Appel à soumissions : Octobre 2020 - Juin 2021
• Evaluation des articles pré-sélectionnés : Octobre 2021
• Evaluation des articles révisés : Janvier 2022
• Publication du numéro : 2022
Les soumissions sont à transmettre par voie électronique au format Word à alexia.kappelmann@finances.gouv.fr
Consultez la revue intégralement et gratuitement en ligne sur le
http://www.annales.org/gc/2020/gc-2020.html
Indications bibliographiques :
- Berry M. (1983), « Une technologie invisible - L’impact des instruments de gestion sur l’évolution des systèmes humains. ». Consultable gratuitement sur HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00263141/document
- Chevalier F. & Kamdem E. (2019), "Field Research and Grounded Theory: An Avenue for Future Research in Africa" in Advancing African Knowledge Management and Education, H. Kazeroony, A. Stachowicz-Stanusch, & W. Amann (Eds), Information Age Publishing, USA, pp. 81-98.
- Dumez H. (2016), Méthodologie de la recherche qualitative. Les questions clés de la démarche compréhensive. Paris, Vuibert, 256 pages. ISBN : 978-2-311-40298-8.
- Girin J. (1990), « L’analyse empirique des situations de gestion : éléments de théorie et de méthode », in Martinet A.- C. (dir.), Épistémologies et sciences de gestion, Paris, Economica, p. 141-181.
- Kamdem E., Chevalier F. & Payaud M. (2020), La recherche enracinée en management: contextes nouveaux et perspectives nouvelles en Afrique. Paris, Éditions EMS.
- Schuerkens U., Branine M. & Mamman A. (2019), Pour une sociologie du management en Afrique et dans le Monde Arabe. Paris, L’Harmattan.
- Villette M. (2010), « Pour une sociologie de l’activité au travail des dirigeants de grandes entreprises », BMS – Bulletin of Sociological Methodology, New York: Sage Publications, London, Thousand Oaks and New Delhi. N° 107. Consultable gratuitement sur HAL : <https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01395669/document