Du changement progressif au changement de crise"

#ESSECstaysconnected

Episode 8/ "Du changement progressif au changement de crise"

Une hashtag#masterclass animée par David Autissier Directeur de la Chaire Innovation Managériale et Excellence Opérationnelle de l'ESSEC Business School ce jeudi à 18h en hashtag#live sur YouTube Live

"Les entreprises ont l’habitude de gérer des changements d’évolution dans une logique de progrès. De tels changements sont en général progressifs et visent à passer du point A au point B. Différentes méthodologies d’accompagnement du changement ont été mises en œuvre avec une évolution de ces dernières en mode collaboratif. La crise du Covid-19 remet en cause l’approche du changement progressif pour un changement de crise. Ce n’est pas une perception d’urgence (Burning Plateform) qui est vécue mais une réalité de crise. Pour cela nous proposons de qualifier cette crise et de proposer des pistes pour la gérer et envisager la situation de sortie de crise."

👉 Posez vos questions en live jeudi 30 avril à 18h : https://bit.ly/2VIUTXW

Enquête sur la quête de sens au travail.

Comme promis, je partage avec vous les résultats de l'Enquête sur la quête de sens au travail.

129 répondants que je remercie sincèrement (85 femmes et 44 hommes).

Top 3 des facteurs porteurs de sens au travail :

- Le sentiment d’utilité

- La qualité du collectif & des relations

- L’impact sociétal

Top 3 des facteurs destructeurs de sens au travail :

- L’individualisme & l’absence de collectif

- Le manque d’autonomie & de confiance

- Le manque d’utilité perçue

Une majorité de répondants (57%) estiment que certains facteurs de sens évoluent et d’autres restent identiques. 77% des personnes interrogées estiment trouver du sens à leur travail aujourd'hui.

Lors d'un moment porteur de sens, les répondants estiment ressentir surtout :

- Un surplus de motivation

- De la joie et de la fierté

- Une harmonie intérieure

Lors d'un moment qui ne fait pas sens, les répondants estiment ressentir surtout :

- De la démotivation et du détachement

- De la colère et de la culpabilité

- De la frustration et de la déception

Une corrélation semble exister entre "sens ressenti" et "estime de soi". Plus de 2 tiers des répondants font de la quête de sens un but élevé dans leur vie.

Merci à Hélène BEAUGRAND pour son aide précieuse.

N'hésitez pas à réagir et à partager.

François-Xavier DUPERRET

Comment bien se confronter à soi-même

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

« Pour savoir qui tu es, écoute ton silence. » (Proverbe Japonais). Nous n’avons plus l’habitude du silence, car il est amalgamé, à tort, à de l’inefficacité dans notre culture française très « Experte ». Or, il est le principal révélateur de notre degré de « sécurité intérieure », c’est à dire de notre capacité à nous accepter nous-mêmes ainsi que nos choix. Si certains prennent la décision de faire des retraites silencieuses pour se confronter à eux-mêmes, faire le point, nous vivons actuellement une situation de retraite forcée où nous sommes obligés de nous regarder dans la glace sans l’avoir choisi.

Ce confinement est d’autant plus désagréable, que ces dernières décennies nous ont offert la possibilité d’échapper facilement à ces sujets que l’on ne veut pas gérer, notamment par le fractionnement de nos espaces de vie (lieu de travail, lieu de famille, lieu de couple, lieu d’amusement etc.). Les ancrages que nous y créons, nous permettent de fonctionner de manière efficace en « cloisonnant » notre quotidien. Sauf que « L’habitude est une chemise de fer » (Proverbe Tchèque), et lorsque nous n’avons plus la liberté de quitter un lieu et sa sphère associée, nous ne le vivons pas toujours bien.

Tous ceux que nous accompagnons actuellement se plaignent d’être « épuisés » par la situation. Il est vrai que le télétravail demande une concentration et un focus d’attention permanent, ce qui « pompe » littéralement l’énergie. Mais ce que nous ne voyons pas, c’est que cette confrontation à soi dans la durée est si inhabituelle, qu’à elle seule elle « vide » parfois les gens.

Durant ce « Grand Confinement », chacun réagit en fonction de son « câblage mental » : les personnes « câblées » « options » s’adaptent plus vite mais ont du mal à se créer de nouvelles routines efficaces, tandis que les personnes « câblées » « procédure » vivent une période de perte de repères avant de créer de nouveaux modes de fonctionnement. Peu importe votre stratégie de départ, pour éviter de se retrouver « à plat », il faut impérativement reprendre le leadership sur la situation en sortant de la phase « réaction ».

Pour cela, il faut prendre de la hauteur et sortir des positionnements habituels « Personne », « Expert », « Fonction » en rentrant directement dans la posture de « l’Arbitre », qui habituellement donne la parole aux membres de votre « Comité exécutif interne ». Faites ensuite un état des lieux factuel, et émettez des recommandations quant à la stratégie à adopter : à quels questionnements vous pouvez apporter une réponse raisonnable et satisfaisante, et quelles prises de consciences vous décidez de mettre de côté volontairement pour le moment. Vous pouvez à cet effet appliquer à vous-même la matrice d’Eisenhower (urgent/pas urgent, important/pas important), très utile.

Pour conclure, je dirais que cette période est propice à la réflexion sur les notions de sécurité interne et externe, individuelle et collective. Plutôt que des bonnes résolutions de Nouvel An qui ne se concrétisent pas, commençons dès maintenant à nous préoccuper de la gestion interne et externe de l’après confinement, en gardant en tête que : « Pour garder la maîtrise de son destin, on doit se donner les moyens de sa sécurité. » (Jacques Chirac).

A FAIRE

Se regarder
Le faire sereinement, il faut arrêter de se juger en permanence et de se comparer aux autres. Pour cela il est important de vous retrouver seul(e), pour initier une conversation avec vous-même en position « Arbitre ». A force d’exploration et de discussion intérieure, vous pourrez faire un état des lieux objectif, puis lancer des travaux d’embellissement.

Mobiliser l’Arbitre
Prenez de la hauteur régulièrement en passant par la position de « l’Arbitre ». Vous n’avez pas choisi le timing de ce confinement, mais vous pouvez décider de ce qu’il va vous apporter ! Il y a forcément un sujet que vous avez envie d’explorer (professionnel, personnel), donc rendez-le explicite avec des objectifs, et chargez votre « Arbitre » d’en faire le suivi. Ainsi vous pourrez travailler votre stratégie de « sécurité intérieure » à long terme.

Faire preuve de sagesse
Il n’est pas raisonnable d’imaginer que ce « Grand Confinement » aboutira à un changement radical de vos dynamiques personnelles et professionnelles. En revanche, c’est une occasion d’explorer les leviers sur lesquels vous pouvez agir, et ceux sur lesquels vous n’avez aucune prise. « Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi » (Marc-Aurèle)

A ÉVITER

Se flageller
Attention, explorer ses angles morts ne signifie pas se morfondre sur ses limitations insurmontables. Rappelez-vous que ce sont vos défaillances qui vous rendent uniques, tout autant que vos qualités. Il faut donc vous réjouir quand vous éclairez une zone d’ombre, car vous aurez alors toute la liberté de la gérer par la suite, et vous ne serez plus jamais pris(e) de court.

S’ignorer
Pour pouvoir gérer ses défaillances et les transformer, encore faut-il les connaître ! En refusant la confrontation à vous-même vous vous privez d’un moyen de prévision et de gouvernance intérieure extrêmement puissant. Pourquoi tant de personnes se « réveillent » un jour et constatent que la vie choisie ne leur correspond pas ? Elles ont refusé de regarder leurs « zones d’ombre », qui finissent toujours par les rappeler à l’ordre…

Pratiquer la fuite
A notre époque, il est facile de régler ses « déséquilibres » intérieurs en fuyant (internet, voyages, médicaments…). Seulement le « Grand Confinement » en montre les limites… Il est vain de vouloir échapper à Soi à long terme : « Le moine en fuite n’échappe pas à son monastère » (proverbe Chinois). Le moment de la Confrontation à soi arrive toujours, alors plutôt que de la subir, amenez-la sur votre terrain pour qu’elle se fasse à vos conditions.

Avec le Covid-19, les 3 prisons de la France

La prospective est l’art d’imaginer des futurs. Elle a un socle, la culture de l’entreprise comme celle d’un Etat. Et la première est forgée par la seconde. Avec la crise du Covid-19, la seconde – la culture d’Etat – caricature la première – la culture d’entreprise. Ce peut être un danger.


Dans l’entreprise, la réactivité en temps de crise est entrée dans les classiques de la formation et parfois de la mise en œuvre. Le secret tient souvent en deux mots : rapidité et unicité, souvent derrière un homme. Dans un Etat, ce devrait être le cas, derrière son dirigeant. Le moins que l’on puisse dire est que la rapidité et l’unicité ne sont pas les caractéristiques de la France dans cette crise du Covid-19. Au-delà de ce constat, la réaction de la France dans cette crise est à prendre en compte par les entreprises, elle les concerne tant la culture française est en question.
La crise du Covid-19 met en avant trois prisons dans lesquelles s’enferme la France.

Première prison : la suffisance

La Grèce est un pays que nous regardons de haut dans l’Union. C’est la population la deuxième plus âgée de l’Union, 55% des Grecs sont en surpoids ou obèse, l’hôpital compte 4,2 lits pour 1.000 habitants (8 en Allemagne), et depuis 2009, 18.000 médecins ont quitté le pays. Et c’est un pays sans véritable frontière simple à fermer. Tout pour être la victime désignée du Covid-19. Or, la Grèce, au 23 avril 2020, compte 12 morts par million d’habitants, contre 68 pour l’Allemagne, 178 pour la Suisse, 267 pour la France, 415 pour l’Italie. Aux premiers signes de maladie, chloroquine et l’antibiotique azithromycine sont prescrits, des médicaments à coût très bas.

Dès fin février le pays a appliqué l’interdiction des rassemblements et les gestes barrières ont été recommandé. Le confinement a débuté le 11 mars. Rapidité et unicité ont été remarquables en Grèce comme au Portugal, au Vietnam, en Corée, à Taiwan, à Singapour, en Israël. Ce dernier pays « bénéficie » de la menace permanente des pays voisins, une nécessité d’être prêt à répondre à tout risque.

La France n’a pour le moins pas été rapide pour au moins deux raisons qui concernent aussi l’entreprise : le principe de précaution a gangréné les esprits au point que toute décision est soumise à une foultitude d’organes élus ou administratifs au point que l’évaluation de la décision et de l’action est trop rarement faite, s’ajoute la lourdeur administrative (normes, processus, administrations diverses) qui tétanise l’action par crainte d’avoir sauté une étape et se retrouver devant le juge. Sur ce dernier point, aujourd’hui quasiment tout les ministres sont menacés d’être confrontés à la justice et les patrons de TPE/PME en ont des craintes justifiées.

La suffisance française ne contribue pas à l’ouverture à l’opinion d’autrui ou à d’autres expériences, appelé en entreprise le benchmarking.

Deuxième prison : le cartésianisme

Le cartésianisme, ou logique scientifique, est depuis 70 ans le passeport pour toute formation de qualité, qu’elle soit d’ingénieur, commerce, médecine. Les mathématiques en sont le passage obligé avec un niveau notoirement élevé. Le comité scientifique de cette crise était les premières semaines dans la bouche du président et du premier ministre comme la caution suprême de chaque décision. Jusqu’au jour où le quasi enfermement demandé des plus de 65 ou 70 ans et des personnes dites fragiles (un français sur quatre) a provoqué un chahut massif. Si mathématiquement le conseil scientifique avait raison, socialement et psychologiquement, il avait tort. Ce conseil n’a malheureusement pas été complété d’un conseil social (même s’il comporte un sociologue et un médecin généraliste). Reste que ses avis ne devraient concerner que le gouvernement. Leurs publications, notamment lorsqu’il les publie pour monter sa mauvaise humeur, sont néfastes à la clarté de la décision, la fameuse unicité.

Comme dans une entreprise, le débat est nécessaire mais ne concerne pas toute l’entreprise. Et la décision de l’entreprise n’est pas qu’une affaire de chiffres, elle est aussi une affaire humaine où l’intuition a sa part. L’intuition « expérientielle » du professeur Raoult (membre au départ du comité scientifique, justement) est à prendre en compte, qu’elle soit juste ou pas.

De fait, la Grecs ont suivi les recommandations du Pr Raoult, des recommandations pour pays pauvres. La France recommande de rester chez soi en cas de fièvre … qui doit disparaitre en quelques jours … puis en raccourcis de se rendre à l’hôpital … devenu exsangue. C’est une démarche de pays riche. Si l’expression « pays pauvre » gêne, il faut la remplacer par « start-up ». Les start-up se débrouillent avec les astuces et moyens du bord, les grandes entreprises se réfèrent à des processus … et ne savent plus innover.

Les normes, les processus, sont le gras de l’Etat comme de l’entreprise. Une entreprise peut mourir en bonne santé : c’est une « shrinking firm ». L’hôpital français peut mourir en bonne santé … L’échange sur l’application StopCovid est de même nature : la liberté avant la mort (pour paraphraser Kazantzakis).

Le cartésianisme enferme de plus en plus la culture française : la raison l’emporte sur la passion. Et c’est une grave erreur : à l’époque des réseaux sociaux la passion et l’émotion l’emportent dans l’opinion. Parfois trop.

Troisième prison : la déresponsabilité

En France, la responsabilité de référence est prise par l’Etat jacobin. L’Etat souvent haï est demandé systématiquement à l’aide. Pour prendre une caricature, aux Etats-Unis, lorsqu’une route croise une voie ferrée, un véhicule doit marquer l’arrêt, même dans le désert. En France, la responsabilité est reportée à la direction de l’équipement et/ou à la SNCF de poser si possible une barrière, une alarme lumineuse et une alarme sonore, voire des bandes rugueuses sur la chaussée. Cette déresponsabilisation favorise plus les droits que les devoirs des Français. Cette logique est tellement ancrée, que dans cette crise, la France aide plus les salariés en emploi suspendu que les entreprises qui les embauchent et qui créent la richesse pour les employer. En Allemagne ou en Angleterre on est dans la logique inverse.

Typiquement, dans le déconfinement annoncé pour mai 2020, la bonne prise en compte des mesures barrières entre dans une logique punitive pour celui qui ne les pratique pas et non pas dans des mesures incitatives, encourageantes à les pratiquer. Or dans une entreprise, les responsabilités et les encouragements sont nécessaires aux personnes et aux équipes. L’échec est admis en entreprise, surtout si l’on en tire les conclusions. L’échec est le fruit de la culture du risque. Ne pas prendre de risque, ne pas faire confiance est synonyme d’enfermement. En France, jusque très récemment, le dépôt de bilan d’un entrepreneur était accompagné d’une note dégradée à la Banque de France.

La responsabilité, la confiance, sont des valeurs cardinales de notre temps où l’individualisme se répand de plus en plus par la facilité d’accès apparent du savoir. Le meilleur exemple est celui de l’enseignement, bouleversé par le confinement. Classiquement, le maitre enseigne, l’élève récite. Avec le confinement, on pratique l’« école inversée » - le maitre vérifie que l’élève a appris et compris.

Suffisance, cartésianisme et déresponsabilité étouffent la France et par écho l’entreprise.

Belle leçon pour le futur. Surtout pour préparer l’après-Covid car le monde de fin 2020 sera en rupture avec celui de début 2020. Il faut imaginer ce nouveau monde et pour une bonne part entrer en modestie, écoute et choix de futur.

Je repars en plongée …
 
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste

Maurice Thévenet : “Soft skills, hard virtues” (appel à contributions “Crise sanitaire et société de compétences”)

Le master Management de la formation de l’Université Paris-Dauphine PSL et Centre Inffo ont lancé un appel à contributions en direction des professionnels de la formation pour connaître leurs analyses, projections, projets, attentes, engagements pour le “monde d’après” confinement. Maurice Thévenet, professeur à l’Essec Business School et délégué général de la Fnege, inaugure cette rubrique !

Par Maurice Thévenet 

Le thème des soft skills a-t-il résisté au virus ? Les soft skills sont-elles encore d’actualité ou la question est-elle passée aux oubliettes comme celle du bien-être et du slow management face à l’urgence de la crise et à l’impératif d’en inventer l’après ?

Quelles que soient les situations, il sera toujours utile de mieux se connaître et de savoir exploiter son potentiel de personne humaine, il faudra toujours travailler dur à mieux interagir, collaborer avec les autres, et dans un monde aussi incertain, une fois passée la période de la “drôle de crise” pour paraphraser Roland Dorgelès, chacun devra bien savoir s’interroger sur sa place, son rôle et son espérance dans un univers soudain moins certain et lisible. On pourrait donc dire que les soft skills s’avèrent encore plus nécessaires dans un temps d’incertitude quand il faut se réinventer avec le monde qui va autour.

En effet, plutôt que de référentiels de compétences, c’est de vertus solides dont les managers et les collaborateurs vont avoir besoin, c’est-à-dire cette force personnelle pour agir correctement dans un monde inédit. C’est effectivement de vertu et pas simplement de compétence ou de simple motivation dont il va falloir faire preuve pour éviter les trois pièges qui guettent toute personne en situation professionnelle.

Le premier piège est celui de la politique. Aujourd’hui, l’exigence est de tenir son rôle, faire face à l’urgence tout en essayant de préparer l’avenir ; il faut donc faire plutôt que de discuter et de se mettre à la place des politiques ou des virologues.

Le deuxième piège est celui des prévisionnistes. Ils sont nombreux à prévoir ce qui va se passer ; ils ont peut-être raison mais on ne le saura qu’après. En revanche, quelle que soit sa position, l’enjeu est d’espérer pour assumer la situation plutôt que de se soumettre aux augures.

Le troisième piège est celui du passé. C’est un piège alternatif, celui d’imaginer que la vie d’après sera comme avant ou de vouloir du passé faire table rase. Il s’agit alors de prendre le risque de s’ouvrir au réel plutôt que de se replier sur ces conceptions trop simples.

Les soft skills sont un moyen d’éviter ces pièges, mais encore faut-il continuer de les développer.

La première consiste à reconnaître sa place de bipède dans un monde dont l’histoire nous enseigne la modestie vis-à-vis de ses constantes, de ses crises récurrentes avec leurs conséquences probables mais aussi les voies de sortie : seule cette humble reconnaissance de la réalité permet d’en éviter les déboires.

La deuxième est l’ouverture, la disponibilité à la nouveauté dans les événements, la conjoncture ou les comportements des autres.

La troisième de ces soft skills tient aux relations, à tout ce qui rend possible et améliore la coopération ; celle-ci ne va pas de soi, elle ne résulte pas de la magie du collectif, ni de la volonté de coopérer mais de l’effort persévérant de travailler ensemble et efficacement à un but commun.

La crise sanitaire génère des situations nouvelles pour les individus, les entreprises, sommés d’inventer de nouveaux modes d’action.

Le master Management de la formation de l’Université Paris-Dauphine PSL et Centre Inffo ont lancé un appel à contributions en direction des professionnels de la formation pour connaître leurs analyses, projections, projets, attentes, engagements pour le “monde d’après”.

Les contributions seront publiées dans Le Quotidien de la formation et disponibles sur le site et les réseaux sociaux de Centre Inffo.

"Il n'y a pas de temps mort" : pourquoi le télétravail est plus fatigant qu'on ne le croit

Contrairement aux idées reçues, le télétravail peut être tout aussi fatiguant que le travail au bureau, voire plus. Au micro d'Europe 1, Léonard Anthony, praticien d’hypnose et spécialiste de la gestion de la fatigue, nous explique pourquoi.

Pour des millions de Français, le rythme de travail et la façon d'exercer leur profession a changé radicalement avec le confinement et la mise en place du télétravail. Pourtant, alors que beaucoup pensaient que rester à domicile et éviter les transports en commun leur permettrait de terminer leur journée moins fatigués, c'est souvent l'inverse qui se passe, et la fin de la journée rime avec gros coup de fatigue. Peu surprenant, explique à Europe 1 Léonard Anthony, praticien d’hypnose et spécialiste de la gestion de la fatigue, invité de Sans rendez-vous, qui rappelle qu'une journée de télétravail ne comporte souvent pas de temps mort. 

"En temps normal, quand vous revenez du travail, vous êtes en mouvement, donc vous avez des moments de pause naturellement intégrés, même s'ils peuvent être fatigants, comme par exemple dans les transports", développe Léonard Anthony. Or, ajoute-t-il, "la notion de mouvement est essentielle". 

"Il y a des stress supplémentaires"

À l'inverse, une journée de télétravail, moins riche en mouvements, l'est également moins en pauses. "Il n'y a pas de temps mort", indique le spécialiste, "on enchaîne les coups de fil". Et selon lui, "il est beaucoup plus fatiguant de focaliser toute son intention sur un seul moyen de communication, un seul espace sensoriel, que quand on est face à face, qu'on se regarde, qu'on ressent la personne bouger". 

Enfin, le confinement peut également être plus fatiguant en raison de la présence de membres de sa famille sur le lieu de travail. "Ce n'est pas facile à gérer", assure Léonard Anthony, qui prend l'exemple de mères en pleine visioconférence interrompues par leurs enfants. "Il y a des stress supplémentaires". 

"Il y a plein de paramètres à prendre en compte et qui font que ce n'est pas du télétravail habituel", poursuit l'invité d'Europe 1, insistant sur "l'absence de contacts humains" avec les collègues. "Il est important de voir à quel point nous avons besoin de contacts", conclut-il. 

Stratégie de déconfinement, le cas des télétravailleurs

François Lambotte & Laurent Taskin

Un texte issu du rapport réalisé par 123 chercheurs des onze universités belges, signé François Lambotte, professeur, Institut Langage & Communication, Université catholique de Louvain et Laurent Taskin, professeur, Louvain Research Institute in Management and Organisations & Louvain School of Management, Université catholique de Louvain.Dans une stratégie de déconfinement progressive, le télétravail peut apparaitre comme un moyen de ralentir le retour massif sur le lieu de travail. Cette note vise à éclairer la situation de cette catégorie de travailleurs, notamment en termes de risques psychosociaux. Elle offre une série de recommandations favorisant la poursuite du télétravail pour limiter la progression de la pandémie tout en limitant les risques d’augmentation des cas de mal-être psychosocial.Enjeux posés par le lockdownLes mesures de confinement actuelles imposent à une partie de la population occupée de poursuivre une activité professionnelle à distance, depuis son domicile. Dans certaines entreprises où cette modalité est possible compte-tenu de l’activité professionnelle, près de 100% des travailleurs sont devenus des télétravailleurs en l’espace de quelques heures. Or, cette modalité de travail ne s’improvise pas, ni pour les travailleurs, ni pour le management. Près de quarante années de recherche en sciences sociales ont balisé une pratique soutenable du télétravail et du management à distance autour de quelques principes clés :Une fréquence limitée . Ces recherches préconisent ainsi une fréquence de télétravail à domicile réduite à un voire deux jours par semaine, en fonction des activités qui sont à réaliser—et qui exigent un certain calme, censé être offert par le domicile à défaut d’en jouir « au bureau ». Cette fréquence est considérée comme « idéale » dans la mesure où elle permet de bénéficier des avantages de cette forme de flexibilité du travail (le sentiment de productivité, d’efficacité, d’autonomie, de conciliation entre sphères privée et professionnelle), tout en limitant ses effets négatifs (l’isolement social, essentiellement) (Bailey & Kurland, 2002 ; Taskin & Vendramin, 2004). Ces recherches ont largement montré qu’à titre individuel, les télétravailleurs arrivaient à « re-réguler » leur rapport au travail à leur bénéfice et à celui de l’employeur (Taskin & Edwards, 2007) qui trouve dans cette modalité d’organisation l’expression d’une agilité tant souhaitée et la diminution de certains coûts liés à l’occupation permanente des lieux de travail. Or, le lockdown impose pour les salariés qui le peuvent, un télétravail à 100%, une option jamais envisagée par la recherche scientifique. Par ailleurs, les conditions de ce télétravail sont loin d’être idéales notamment pour les salariés ayant des enfants. Comme l’illustre l’enquête en cours sur les pratiques de communication en période de crise, plus d’un tiers des répondants considèrent n’être pas en mesure de faire leur travail correctement (Annexe Q29).Une régulation managériale nécessaire du rapport au travail. Ces dix dernières années, les chercheurs en sciences sociales ont mis en avant le risque de transformation plus profond de la relation au travail en contexte de déspatialisation (Taskin, 2010) ou de distanciation (Sewell & Taskin, 2015). Lorsque l’on considère le travail collectif, au niveau de l’organisation et plus seulement des individus, un nouvel enjeu apparaît : comment gérer une équipe à distance, en préservant sa cohésion, son identification et les dimensions subjectives du travail (reconnaissance, sens, don de soi, etc.) ? Certaines recherches pointent ici le rôle déterminant du management qui est appelé à animer une équipe, à accompagner des personnes plus qu’à organiser au sens de la planification et du contrôle. La distanciation induit un sens différent aux actions managériales qui peuvent paraître plus intrusives, plus contrôlantes, moins « organisationnelles ». Car l’organisation est elle aussi moins sensible. C’est donc le rapport durable et soutenable au travail qui se joue dans la capacité du management à organiser le travail à distance. Or, une partie des managers qui ont à gérer des équipes à distance aujourd’hui n’étaient pas familier du télétravail.Une communication adaptée et soutenue par des pratiques cohérentes. Les recherches en sciences sociales portant sur les équipes géographiquement distribuées ont également démontré qu’une communication plus soutenue et structurée peut, dans une certaine mesure, compenser la distance et recréer un cadre de références (des repères, des règles, des valeurs) communes à aux membres d’une équipe (Fayad & Lambotte, 2012). Ces moments réguliers de réunions permettant à l’équipe de faire le point sur les tâches à réaliser mais aussi de partager sa réalité de « confinés », bref de maintenir le lien social au sein des équipes Cependant, le basculement rapide et massif vers le télétravail n’a pas permis aux entreprises d’équiper les salariés comme il se doit. Deux tiers des répondants font face à des problèmes d’ordre technique (voir annexe Q32).Enjeux liés au déconfinementLe déconfinement, en termes organisationnel, peut mener à une remise en question de la relation de travail . Les travailleurs qui ont eu le sentiment d’avoir été réduits à l’état de ressource qui devait produire coûte-que-coûte vont remettre en question le management, mais aussi la nature de leur rapport au travail. De même, celles et ceux qui ont souffert de l’isolement par manque de contacts, de messages de « prises de nouvelles », peuvent aussi se sentir durablement « accessoires » et peu visibles et revoir leur rapport au travail dans le sens d’une dé-socialisation (Taskin & Bridoux, 2010 ; Taskin, 2002). Le lien touché ici est celui de la reconnaissance : de ma personne, en tant qu’humain (qui a pris de mes nouvelles ?), de mon travail (l’effort, la manière, les conditions dans lesquelles j’ai dû travailler) plus que de son seul résultat forcément plus visible. Les recherches sur les équipes distribuées (Huang & Lambotte, 2009) montrent que ces problèmes sont exacerbés par la distance : sentiment d’iniquité dans la distribution du travail, de défiance et éclatement de conflits entre les membres d’équipes.Au stress généré par le confinement s’ajoute celui généré par l’incertitude post-crise. Comme le montrent les résultats de l’enquête en cours (annexe Q38), l’incertitude quant à l’avenir est très marquée auprès des répondants, toutes catégories confondues. A l’instar des études sur le mal-être psychosociaux en période de restructuration (Donjean et al., 2012), nous pensons que l’incertitude économique provoquée par la crise va être une source très importante de stress et de burn-out. Or, dans un temps de reprise du travail, les organisations devront pouvoir compter sur les énergies et la collaboration de tous et toutes—une collaboration mise à mal par la distanciation (Taskin & Bridoux, 2010).RecommandationsA court terme :1. Favoriser un retour progressif et par shift sur le lieu de travail . Concrètement, une partie de l’équipe de travail se retrouve une partie de la semaine « au bureau », et l’autre partie, l’autre partie de la semaine. Plusieurs variantes existent dans la progressivité (un à trois jours par semaine) et dans la composition des shifts (proportion de l’équipe concernée). Cette mesure permet de recréer du lien social et s’accompagne de mesures sanitaires visibles (nettoyage des postes de travail, des communs, etc.) ;2. Equiper adéquatement les (télé)travailleurs et remédier aux problèmes techniques encourus (en respect des dispositions légales—CCT85 & 85bis/A.R. 22/11/06 & 21/3/17—préciser la « politique télétravail » de l’entreprise et offrir à tous les mêmes conditions de travail) afin que le travail à distance soit possible pour tous ( soft et hard ware) ;3. Accompagner le retour au travail par (I) des temps de parole sur ce qui a bien fonctionné (en quoi nous sommes-nous toujours senti « équipe » à distance ? qu’est-ce qui a maintenu le lien ?) et moins bien fonctionné (si c’était à refaire), afin de faire émerger les difficultés vécues, y compris vis-à-vis et vu du management, mais aussi dans le non-travail et les épreuves que certains travailleurs ont pu traverser ; (II) un audit régulier des risques psychosociaux via enquêtes ; et (III) mise à disposition d’une cellule dédiée aux questions du « retour » au travail (anxiété liée au risque sanitaire, perte de sens du travail ou du collectif, etc.). Les équipes « RH » des entreprises ont un rôle important à jouer dans l’animation de ce processus et dans l’accompagnement des équipes et de leurs managers ;4. Communiquer régulièrement et factuellement sur la situation économique de l’organisation et les plans mis en œuvre pour maintenir l’activité économique ainsi que l’emploi. Notre enquête montre que, durant la crise, la communication factuelle du management satisfait les travailleurs. Poursuivre sur cette ligne est recommandé en période de crise.La DG Humanisation du travail du SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale a un rôle très important à jouer pour accompagner les fédérations professionnelles dans l’analyse et la prévention des risques psychosociaux. En effet cette DG est depuis plusieurs décennies très en pointe sur ces thématiques.Dans le cas d’un maintien du télétravail à 100%, les points deux à quatre de nos recommandations restent valides. Nous pensons cependant qu’une attention particulière devra être portée à l’accompagnement des équipes et à la reconstruction du cadre de références. Cela passe par un rappel des rôles, une évaluation régulière de la répartition des tâches, un maintien des interactions respectueuses et une reconnaissance des efforts consentis par chacun.A moyen terme :Repenser le style de management et la culture afin de permettre une gestion des équipes et des personnes en partie à distance, dans le respect des objectifs de l’organisation et de l’autonomie des personnes. Cela implique de :- Baliser ces pratiques et d’accompagner les managers et les travailleurs (via des formations ad hoc, entre autres) ;- Développer un Management Humain qui garantisse aux travailleurs et managers la visibilité et la reconnaissance auxquelles ils aspirent, et remettre en question un mode de gestion des ressources perçu comme peu humain, spécialement en situation de déspatialisation ;- La crise est source d’innovation . Apprendre de la crise, reconnaitre et valoriser les innovations développées durant la crise peut favoriser la résilience organisationnelle sur le long terme (Mahler, 2009).BibliographieBailey, D.E. & Kurland, N.B. (2002) A review of telework research: Findings, new directions, and lessons for the study of modern work. Journal of Organizational Behavior, 23, 383-400.Donjean, C., Hambursin, C., Lambotte, F., & Scieur, P. (2012). Vers une politique de communication interne socialement responsable en période de changement (p. 178). SPF Emploi, Travail et Concertation sociale avec le soutien du Fonds Social Européen.Fayad, F.-P., & Lambotte, F. (2012). Matérialisation et développement de l’identité collective dans une équipe virtuelle. In B. Cordelier & G. Gramaccia (Éds.), Management par projet : Les identités incertaines (p. 47‑63). Presses de l’Université du Québec.Huang, M., & Lambotte, F. (2009). An Empirical Study of Trust Building Processes in Hybrid Cross-cultural Project Groups.Mahler, J. G. (2009). Organizational Learning at NASA : The Challenger and Columbia Accidents. Georgetown University Press.Sewell, G. & Taskin, L. (2015) Out of sight, out of mind in a New World of Work ? Autonomy, Control, and Spatiotemporal Scaling in Telework. Organization Studies, 36 , 11, p. 1507-1529.Taskin, L. & Vendramin, P. (2004) Le télétravail, une vague silencieuse. Enjeux socio-économiques d’une nouvelle flexibilité . Louvain-la-Neuve: Presses Universitaires de Louvain, coll. e-Management.Taskin, L. & Dietrich, A. (2020) Management Humain. Une approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel . Bruxelles : De Boeck supérieur, coll. Manager RH, 2è éd.Taskin, L. & Bridoux, F. (2010) Telework: Despatialisation as a challenge to knowledge creation and transfer. International Journal of Human Resource Management, 21 (3), 2503-2520.Taskin, L. & Edwards, P.K. (2007) The possibilities and limits of telework in a bureaucratic environment: Lessons from the public sector. New Technology, Work and Employment, 22 (3), 195-207.Taskin, L. (2010) Déspatialisation : Un enjeu de gestion. Revue Française de Gestion, 3 (202), 61-76.Taskin, L. (2002) Télétravail : Enjeux et perspectives dans les organisations. Humanisme et Entreprise , 254, 81-101.

Comment réussir un entretien d’embauche à distance pendant le confinement (et après)?

Six semaines, déjà, que les Français vivent au rythme du confinement. Six semaines, déjà, que nous tous nous sommes habitués à repenser notre vie quotidienne entre quatre murs. Mais, devant nous, s’annonce maintenant, dans quelques jours désormais, la perspective du déconfinement. Et qui dit déconfinement, dit aussi reprise – au moins partielle – de l’activité économique. Sauf pour les restaurants, bars, hôtels, théâtres ou encore cinémas qui devront encore attendre. 

Néanmoins, et comme l’a rappelé le Premier ministre, Edouard Philippe, les entreprises qui le peuvent sont incitées à maintenir leurs salariés en télétravail après le 11 mai. C’est pourquoi, on peut déjà imaginer qu’un certain nombre d’organisations – et, évidemment, plus particulièrement dans le secteur tertiaire – choisiront de continuer à faire travailler leurs collaborateurs à distance.

Tout ça pour vous dire à vous, chercheurs d’emploi qui me lisez, deux choses : d’abord, que les process de recrutement dans un grand nombre d’entreprises vont sûrement continuer à avoir lieu à distance pendant un certain temps ; ensuite, que le déconfinement ait eu lieu ou non, que les entreprises ne vont pas s’arrêter de recruter, même si la crise sanitaire affecte forcément le volume d’offres proposées. 

Partant de ce constat, j’ai décidé de consacrer cette nouvelle édition du “Profil de l’emploi” à l’entretien d’embauche à distance. Un exercice particulier, qui peut en dérouter certains, mais que vous pouvez tout à fait réussir en suivant quelques règles simples ! Pour vous y aider, j’ai fait appel à des experts de l’emploi, que ce soit des coachs, des spécialistes du recrutement, ou encore des conseillers Pôle emploi.

Se préparer efficacement

Derrière tout entretien d’embauche réussi – qu’il soit physique ou à distance –, il y a d’abord une bonne préparation. Mais pour un entretien en visioconférence, il faut, en plus, penser aux aspects techniques. Virginie Beraud, conseillère Pôle emploi, vous encourage à télécharger et tester en avance l’application de visioconférence choisie par le recruteur, pour se familiariser avec elle si vous ne la connaissez pas bien. Vous pouvez aussi prévoir un plan B – c’est-à-dire une autre application que vous maîtrisez et que vous pourriez proposer au recruteur si le logiciel initialement prévu ne fonctionne pas au moment de l’entretien – conseille de son côté Dany El Jallad, directeur des comptes stratégiques au sein du cabinet de recrutement Robert Half.

Réfléchissez aussi en amont à la pièce de votre logement qui se prêterait au mieux à l’entretien. “Il faut garder en tête l’idée de recréer le contexte d’un entretien classique. C’est pourquoi je conseille de choisir un lieu assez neutre, de manière à ce que le recruteur reste bien concentré sur vous. L’idéal, si vous en avez un, c’est de vous installer dans votre bureau”, résume Milena Nicolaï, en charge des ressources humaines au sein du Crédit Agricole. La coach emploi Mila Elhamdi estime de son côté que le principal est de choisir une pièce propre et rangée. Mais rien n’empêche, selon elle, de laisser transparaître un peu de sa personnalité. “Si vous avez une batte de baseball en arrière plan et que vous précisez votre passion de ce sport dans votre CV, cela sera évidemment bien vu par le recruteur”, donne-t-elle comme exemple.

Au-delà des aspects techniques, il faut aussi préparer ce que l’on souhaite exprimer pendant l’entretien. Là, la différence avec un entretien physique, c’est que la communication non-verbale est plus difficile à utiliser. “Ici, le contenu prime sur la forme. Concentrez-vous donc sur votre expertise, vos compétences et sachez aussi expliquer honnêtement vos échecs”, affirme la coach emploi Agnès Menso. D’expérience, Arnaud Bioul, partner senior au sein du cabinet de recrutement Michael Page, a remarqué que les entretiens en visio sont généralement plus court: il faut donc se préparer à aller tout de suite “au coeur du sujet” et à mettre en avant au maximum sa valeur ajoutée.

Tout cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas (du tout) jouer sur la communication non-verbale. “Vous pouvez par exemple vous entraîner à bien regarder votre webcam et non l’écran, le recruteur aura ainsi l’impression que vous le regarder dans les yeux quand vous lui parlerez”, note la conseillère Pôle emploi Virginie Beraud. Si vous êtes généralement à l’aise avec vos mains, vous pourrez les utiliser pendant l’entretien, en éloignant la webcam pour qu’elles se voient bien, juge la coach emploi Mila Elhamdi. Mais attention à ne pas avoir de gestes trop nerveux prévient Dany El Jallad, du cabinet de recrutement Robert Half. 

Un entretien à la maison, mais professionnel

Grande question : comment s’habille-t-on le jour J ? Là-dessus, tous les experts interrogés sont d’accord. Il ne faut absolument pas oublier que l’entretien reste un exercice professionnel. Le mieux est donc de porter, selon eux, une chemise. Vous pouvez aussi vous vêtir d’un pantalon de costume et de chaussures noires si cela vous aide à vous mettre en condition (même si le recruteur ne les verra pas). Évidemment, votre dresscode s’adaptera à votre secteur professionnel : un t-shirt pourra se porter sans problème pour un poste dans une start-up, quand la cravate sera de rigueur dans le milieu de la banque. 

Dans vos échanges avec le recruteur pendant l’entretien, toutes les questions sont bonnes à poser, même à distance. “Si tout le process de recrutement est prévu en visioconférence, autant poser un maximum de questions. Même sur des sujets un peu délicats, comme la rémunération”, estime Milena Nicolaï, en charge des ressources humaines au sein du Crédit Agricole. De plus, rajoute Arnaud Bioul, du cabinet de recrutement Michael Page, si l’on ne se dit pas tout pendant l’entretien, il y a le risque de créer des quiproquos si vous êtes ensuite recruté par l’entreprise. D’ailleurs, comme vous n’êtes pas dans les locaux de l’organisation, n’hésitez-pas à poser des questions s’agissant de l’organisation des bureaux, des équipes, s’il y a une cantine sur place, etc.

À l’inverse, la visioconférence peut vous permettre de tester des choses que vous n’auriez pas pu faire lors d’un entretien physique. La conseillère Pôle emploi Virginie Beraud cite notamment la possibilité de partager son écran. Avec cet outil, vous pouvez par exemple présenter un projet réalisé dans votre précédente entreprise, ou un “book” sous forme de diaporama rassemblant plusieurs de vos travaux passés. “J’ai récemment eu un demandeur d’emploi qui a utilisé cette possibilité lors d’une simulation d’entretien et c’était vraiment intéressant !”, s’enthousiasme-t-elle.

 Si cela vous rassure, n’hésitez-pas à poser quelques notes ou votre CV à côté de votre ordinateur. “Autant prévenir le recruteur que vous avez des notes avec vous, il s’en doutera de toute façon si vous jetez souvent des coups d’oeil furtifs dessus. Je pense que c’est plutôt bien vu puisque cela montre que vous avez préparé sérieusement votre entretien”, estime la coach emploi Agnès Menso. De son côté, la coach Mila Elhamdi conseille d’avoir simplement un plan assez court de ce que l’on souhaite dire, pour éviter de trop le regarder et de réciter des phrases toutes faites.

Relancer ou ne pas relancer le recruteur ?

Voilà, vous pouvez souffler, l’entretien est désormais derrière vous. Tout comme pour un entretien classique, vous vous demandez peut-être si vous pouvez relancer le recruteur quelques jours plus tard pour avoir des nouvelles sur le process de recrutement et renouveler votre intérêt pour le poste. Pour l’ensemble des experts interrogés, rien ne s’oppose à cela. Mais, comme le rappelle la conseillère Pôle emploi Virginie Beraud, autant demander dès l’entretien sous quel délai l’employeur compte vous donner une réponse. Et ce n’est que si ce délai est visiblement dépassé que vous pouvez alors le relancer pour lui demander ce qu’il en est de votre candidature. Par ailleurs, si le recruteur vous annonce finalement que votre candidature n’est pas retenue, Virginie Béraud vous encourage à lui demander explicitement ce qui a pêché de votre côté, ce que vous pourriez améliorer à l’avenir.

Confinement oblige, Arnaud Bioul, du cabinet de recrutement Michael Page, estime qu’il vaut mieux rappeler le recruteur uniquement sur des “horaires de bureau” – c’est-à-dire entre 9h et 18h –, alors qu’en temps normal on pourrait se permettre de solliciter le recruteur jusqu’à 20h. Pourquoi ? Parce que le recruteur a sans doute besoin de plus de temps pour sa famille, ses enfants, ou tout simplement pour souffler en ces temps compliqués. Voilà, il n’y a plus qu’à vous souhaiter bonne chance si vous avez un entretien prévu dans les jours qui viennent, ou si vous en avez déjà eu un et que vous attendez encore le résultat. Dites-vous que de toute manière, que vous ayez le poste ou non, c’est toujours un bon entraînement et que vous repartirez sur de meilleures bases pour le prochain !

Et vous, comment abordez-vous les entretiens d’embauche par temps de confinement ? Réagissez dans les commentaires ci-dessous.

▶ Appel à témoins

Dans le cadre de notre podcast Linkedin "Le Profil de l’Emploi", diffusé sur Europe 1, nous recherchons le témoignage d’une personne qui aurait perdu son emploi en raison de la crise du Covid-19. Si vous vous reconnaissez et souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à vous faire connaître ici.

▶ La suite

Dans la dernière édition du Profil de l’emploi, des coachs et experts de l’emploi ont expliqué comment garder sa motivation dans ses recherches en période de confinement. Tous ont un mot d’ordre : tout est encore possible. Certaines entreprises continuent de recruter et, surtout, il ne faut pas hésiter, aussi, à envoyer des candidatures spontanées. Les recruteurs ont plus de temps pour les regarder. Si, vraiment, il n’y a quasiment plus d’offres disponibles dans notre secteur d’activité, on peut profiter du temps qu’il nous reste pour nous former : cela sera toujours un plus devant un recruteur. Découvrez les réactions à cette enquête.

▶ D’autres infos pour avoir… le Profil de l’emploi

Besoin de soutien dans vos recherches d’emploi ? Ce numéro vert est fait pour vous. “Au chômage mais pas seul”, c’est le nom de la plateforme téléphonique lancée par l’association Solidarités Nouvelles face au Chômage. Du lundi au vendredi, entre 9h30 et 18h, en appelant le 0 805 034 844 – appel gratuit puisque c’est un numéro vert –, vous pourrez discuter avec un bénévole de l’association qui vous orientera, suivant vos besoin, vers un service d’information sur le chômage, du soutien psychologique, ou vous proposera un accompagnement sur la durée avec l’association.

Les étudiants peuvent-ils encore espérer trouver un stage ? Alors que les effets de la crise sanitaire se font déjà ressentir sur le marché du travail, les étudiants s’inquiètent aussi de plus grandes difficultés à trouver un stage en entreprise. C’est ce qu’a remarqué Esther Basso Fretel, chargée de recrutement, qui a enquêté sur le sujet. D’autres s’inquiètent de la reprise des cours en septembre, qui ne leur laissera que peu de temps pour trouver un stage d’été. Mais beaucoup reconnaissent que leurs écoles les aident dans leurs recherches, ou proposent des solutions lorsqu’un stage était normalement obligatoire pour la validation d’un diplôme et qu’il ne peut pas se faire. Découvrez les réactions à cette information.

Quel regard les Français portent-ils sur le chômage et les chômeurs? L’Unédic vient de publier une étude – réalisée avant la crise du coronavirus – qui interroge à la fois les Français et les demandeurs d’emploi eux-même sur leur perception du chômage et des chômeurs. Premier enseignement, 94% des Français estiment que le chômage peut frapper tout le monde. Deuxième enseignement, alors qu’un tiers des Français perçoit les chômeurs comme des “assistés”, une majorité de demandeurs d’emploi se présente comme des personnes combatives, à la fois dynamiques, persévérantes et courageuses. Pour autant, deux tiers des Français se disent attachés au système d’assurance-chômage, et une majorité perçoit les allocations comme un droit.

Les startups recrutent : où postuler ? Malgré l'épidémie de Covid-19, les startups continent d'embaucher. Plus de 230 jeunes entreprises ont ainsi partagé leurs offres d'emploi dans le cadre de l'opération #Confinésmaisrecrutés, menée par France Digitale. Voici quelques-uns des profils recherchés : développeurs, data scientist, ou encore business developers. Les postes sont à pourvoir dans le secteur de l’environnement, de la finance, du marketing, de la santé, ou encore de la mobilité.

▶ Pour aller plus loin

Voici une sélection de contenus, conseils publiés ou délivrés par les experts interrogés dans cette newsletter : 

Merci pour votre lecture. Deux petites choses avant de vous laisser :

-Si vous souhaitez que nous abordions un sujet dans une prochaine newsletter, vous pouvez nous le faire savoir dans les commentaires.

-Retrouvez les précédentes éditions du Profil de l’Emploi ici, ainsi que le podcast ici, ou .  

Signaler ceci

Publié par

Samuel Chalom

Journaliste chez LinkedIn

Publié • 2 j

2 articlesSuivre

🔎Pour cette nouvelle édition du "Profil de l'emploi", la newsletter bimensuelle de Linkedin dédiée aux demandeurs d'emploi, je vous propose de découvrir des conseils d'experts pour réussir au mieux un entretien d'embauche à distance, crise sanitaire oblige. 🙏 Merci à Virginie Beraud de Pôle emploi, aux experts et coachs Milena Nicolaï, Arnaud Bioul, Mila Elhamdi, Agnes Menso et Dany El Jallad pour leurs précieux conseils.

Déconfinement et après ? les DRH s'y préparent, résultats enquête ANDRH

La crise sanitaire et la préparation du déconfinement progressif continuent de mobiliser toute l’énergie, les compétences et la créativité des (D)RH. Dans la continuité de son premier bilan, les résultats de cette nouvelle enquête ANDRH se concentrent plus particulièrement sur les mesures mises en place par les DRH dans le cadre du déconfinement à partir du 11 mai 2020.

Plusieurs scénarios, hypothèses et mesures sont en effet envisagés pour préparer le déconfinement progressif à partir du 11 mai prochain.... que les professionnelꞏles RH ont en effet déjà commencé à anticiper. Quelles mesures sont envisagées au niveau des entreprises ? Quelles bonnes pratiques sont plebiscitées ou recommandées en matière de santé et de conditions de travail ? Comment sont associés les représentants du personnel 

Cette enquête ANDRH a pour objectif de partager les pratiques RH et propositions en vue du déconfinement en matière de santé, de conditions de travail mais également d'organisation de travail. Elle comprend également un volet sur le dialogue social ainsi que sur les aspirations en matière de télétravail.

> Pour consulter le communiqué de presse du 30 avril 2020, cliquez ici.

 > Pour télécharger directement les résultats, cliquez ici.

Chiffres-clés & synthèse des résultats

  • Globalement, la reprise d'activité est préparée avec une appréhension assez « moyenne » (moyenne de 3/5, 22 % relèvent des difficultés).

  • 85 % ont déjà anticipé les commandes de matériel de protection. Des difficultés d'approvisionnement sont toutefois soulignées.

  • 99 % sont favorables à la mise à disposition de gel hydroalcoolique, 94 % pour la distribution de masques "grand public" et 79 % pour la mise en place d'un suivi spécifique en lien avec la médecine au travail.

  • Plus les mesures sont "intrusives" / supposent l'accord des salariéꞏes moins elles semblent recueillir d'avis favorables. C'est notamment le cas pour la prise de température l'entrée des locaux (49 %) ou le déploiement d'une application de tracking au niveau de l'entreprise (33 %).

  • 70 % ont opté pour un retour progressif dans les locaux avec le maintien des salariéꞏes éligibles en télétravail (parfois à 100 % dans un premier temps et/ou avec alternance de jours/semaines). 

  • Les représentantꞏes du personnel continuent d’être l'interlocuteur privilégié dans la gestion de la crise au sein des entreprises (échanges formels ou informels, négociations d’accord). Les thématiques les plus abordées sont l'organisation des congés et jours de repos (79 %) ainsi que le développement du télétravail (68 %).

  • 74 % prévoient par ailleurs un développement durable du télétravail après la crise (majoritairement avec mise à jour ou en place d’une charte ou d’un accord).

Présentation des résultats de l'enquête ANDRH

 > Pour télécharger directement les résultats, cliquez ici.

Entreprise et Carrières

Cette sixième semaine de hashtag#confinement est l'occasion de poursuivre la réflexion sur l'impact de la hashtag#crise du hashtag#coronavirus sur un retour en force espéré du hashtag#travailréel tel qu'il est défini par mon collègue @Pierre-Yves GOMEZ, Professeur à emlyon business school.

Dans ma prochaine tribune publiée lundi 27 avril dans ENTREPRISE & CARRIÈRES, je propose quelques pistes pour redonner sa place au travail réel en agissant sur les 3 dimensions du travail réel proposées par Pierre-Yves Gomez : (1) l'hashtag#expérience_subjectivee par des pratiques de hashtag#reconnaissance, (2) l'hashtag#expérience_objective par des normes de hashtag#performance connues et acceptées par tous, (3) l'hashtag#expérience_collectivee par des actions de hashtag#solidarité.

Le numéro double n° 1478-1479 d'ENTREPRISE & CARRIÈRES est disponible en ligne par le lien : https://lnkd.in/gd7XXuh

Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS

Président AGRH

Jeudi du confinement avec ANDRH IDF RH INFO et MagRH

Le prochain "Jeudi du confinement" est un peu spécial...

Puisque nous organisons en partenariat : les RH Hackent ... le Télétravail.

Si vous désirez participer à notre webinar le 30 Avril de 10h à 11h30 sur le télétravail avec Patrick Storhaye Patrick Bouvard Vincent Berthelot Marie-Pierre FLEURY et stephane gomez🎯 fan du recrutement durable inscrivez vous sur : www.les-rh-hackent.org hashtag hashtag#Télétravail hashtag#Organisation hashtag#RH (attention nombre de places limitées à 150)

Une Manifestation organisée avec ANDRH IDF RH INFO et MagRH

Compensation télétravail : à quoi avez-vous droit ?

Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail. Elle utilise les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail qui aurait pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière.

Lorsque le salarié en situation de télétravail, régie par le contrat de travail ou par convention ou accord collectif, engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. (Cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…).

Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié (cf tableau évaluation des frais engagés par le salarié en télétravail).

Le chômage partiel pour protéger les emplois, conserver les compétences, éviter les licenciements & défaillances d’entreprises.

Nous avons mis en place un dispositif puissant et inédit : le chômage partiel pour protéger les emplois, conserver les compétences, éviter les licenciements & défaillances d’entreprises.

Aujourd’hui, c’est un filet de sécurité pour :

✅10,2 millions de salariés, soit + d'1 salarié sur 2 du secteur privé

✅821 000 entreprises

Tous les salariés, y compris les apprentis sont concernés, ainsi que VRP, personnels navigants, pigistes, artistes rémunérés au cachet, intermittents du spectacle, marins pêcheurs, cadres au forfait, employés ou travailleurs à domicile, assistantes maternelles, intérimaires & saisonniers. Pour placer ses salariés en activité partielle, c’est simple :

▶️En cas de baisse d'activité ou de fermeture, l’entreprise demande le chômage partiel auprès de la Direccte

▶️Le salarié garde son contrat de travail et perçoit une indemnité d’activité partielle d’environ 84% de son salaire net (et jamais moins que le smic), 100% s’il est au smic ou moins

▶️L’entreprise garde ses compétences et reçoit un remboursement dans les 10 jours des sommes payées à 100% jusqu’à 4,5 smic par l’Etat (Ministère du Travail).

Nous adaptons ce dispositif : le chômage partiel pourra être décroissant pour accompagner la reprise du travail et éviter les vagues de licenciements.

Muriel PENICAUD

Ministre du travaill. Gouvernement d’Edouard Philipppe

Enquête sur le travail à distance ?

Et si vous répondiez à notre enquête sur le travail à distance ? On a besoin de vous ! https://lnkd.in/g-uMaxD La période actuelle, bien que difficile, nous oblige à rester chez nous, en possibilité de travailler ou au contraire de ne plus pouvoir le faire. Les étudiants du Master RH et l’équipe de recherche de l’IAE de Grenoble a décidé depuis l’automne dernier, d’analyser le travail à distance et le télétravail. 💻

Le confinement nous offre ainsi une expérimentation grandeur nature... Nous vous proposons donc une enquête qui vise à mieux comprendre les modalités du télétravail et les conditions de son management. Vous trouverez le lien ci-dessous : https://lnkd.in/g-uMaxD

N'hésitez pas ! Diffusez ce lien à tous vos contacts ! Nous avons besoin de vous 💪🏼

Un grand merci d'avance ! Bon courage à vous tous en cette période difficile.

Prenez bien soin de vous et de vos proches ! hashtag#télétravail hashtag#confinement hashtag#management

Clara LABORIE Emmanuel ABORD DE CHATILLON Annick VALETTE

Les entreprises doivent dès à présent préparer le déconfinement

Les entreprises doivent déjà s'atteler à préparer les conditions d'une reprise d'activité à compter du 11 mai. Benoit Serre, vice-président de l'ANDRH, délivre ses recommandations à destination des employeurs afin d'assurer un déconfinement en toute sécurité et un retour au travail des salariés dans un climat social apaisé.

Alors que la date de déconfinement annoncé par Emmanuel Macron approche, Benoît Serre, vice-président de l'ANDRH, détaille la manière dont les entreprises doivent dès à présent préparer la reprise du travail sur site. 

Quelle est la priorité pour les entreprises alors que la date du déconfinement approche ?  

La première mesure afin d'assurer un déconfinement dans les meilleures conditions vise l'assainissement et la décontamination des locaux de travail. Les entreprises doivent veiller à rouvrir des locaux qui ne sont pas contaminés, soit parce qu'ils ont fait l'objet d'un nettoyage complet, soit parce qu'ils étaient fermés depuis deux mois. Elles vont devoir aussi assurer la mise à disposition de gels hydroalcoolique et de masques, si le gouvernement le prescrit. Dans tous les cas, les entreprises doivent garantir aux salariés que les locaux de travail sont sains et cette exigence doit être assurée dans le temps. 

Le gouvernement doit délivrer ses recommandations précises pour le déconfinement d'ici une quinzaine de jours, les entreprises peuvent-elles tout de même commencer ce travail ? 

Je pense même que les entreprises ont un intérêt à se préparer dès maintenant au déconfinement en fixant leurs propres règles avant même que le gouvernement ne précise ses recommandations même si on en connaît déjà certaines. Des entreprises ont déjà conclu des accords de reprise. Le déconfinement sera de toute façon progressif mais il revient à l'entreprise seule de déterminer la date de retour sur site en fonction des caractéristiques de l’activité, du nombre de personnes, de la configuration des locaux. D’ores et déjà, faire revenir massivement les salariés dès le 11 mai dans une tour de La Défense semble impossible pour des raisons de sécurité sanitaire mais aussi de place et sans doute d’opportunité. 

Les entreprises doivent au préalable établir un diagnostic physique : les endroits à risques, la configuration des locaux ; elles doivent tout reconsidérer et réorganiser les locaux afin de réduire le risque de recontamination. C'est notamment la question des open-spaces qui se pose et du nombre de postes qu'il est possible d'installer. Il y a également tous les aspects logistiques. Les entreprises doivent définir des règles de circulation dans l'entreprise, afin de les réduire le plus possible, se poser la question des restaurants d'entreprise et des conditions sanitaires dans lesquelles ils pourront rouvrir, s'interroger sur la reprise ou non des voyages, des déplacements d'un site à l'autre, des réunions,... Il s'agit d'une vraie réorganisation, humainement et opérationnellement, car nous ne savons pas combien de mois cela peut durer. 

Elles doivent aussi établir un diagnostic opérationnel : quels sont les services dont la présence physique est indispensable ? Est-il possible d’avoir des services pour partie présent et pour partie à distance ? Quel rythme est nécessaire pour accompagner la reprise sur les projets, l’activité ? Le maintien dans le temps de collaborateurs en télétravail est-il pertinent vu les limitations de circulation dans les locaux et leur impact sur la réalité de la collaboration et des échanges ? 

Au-delà des conditions collectives de retour sur site, il faut définir des conditions individuelles : qui pourra entrer et sortir de l'entreprise et dans quelles conditions, avec la question des personnes extérieures à l'entreprise et des clients ? Quelle gestion des espaces communs ? Dans le jugement Amazon, le portique d'entrée a fait débat car, selon les juges, il ne permettait pas d'assurer la santé et la sécurité des salariés.

Le déconfinement va-t-il obliger les entreprises à revoir le "vivre ensemble" ?

Elles vont être confrontées à la question de savoir comment arriver à produire le plus normalement possible en mêlant des populations aux statuts différents pendant une période transitoire : les salariés qui sont sur site, ceux qui restent en télétravail, ceux qui reviendront de chômage partiel qui a priori iront sur site aussi. L'entreprise va devoir gérer un corps social éclaté et s'atteler à retrouver une communauté de travail, un collectif de travail qu'il a été parfois difficile de maintenir pendant la période de confinement. Elle va devoir reconstituer un corps social en tenant compte du fait que les salariés sont parfois épuisés par la crise, qu'ils travaillent à un niveau de stress élevé pour ceux qui sont sur site, que ceux qui télétravaillent, travaillent plus et de manière tendue dans des conditions de confinement difficiles. L'entreprise doit aussi intégrer l’inquiétude des salariés pour leur emploi vu les conséquences économiques annoncées partout. Il va falloir recréer une dynamique managériale, préciser rapidement quels sont les projets maintenus ou non ; il ne s'agit pas que d'une affaire de dirigeants. Y réfléchir dès à présent c'est autant de temps gagné lorsque le déconfinement aura lieu car pour que les salariés se réengagent, il sera nécessaire de leur donner une vision des prochains mois au moins.  

Vous n'êtes pas partisan d'un report des congés d'été dans l'optique de relancer l'activité de l'entreprise ? 

C’est surtout une question sensible qui peut générer de la tension sociale en plus de la tension économique ; les salariés se demandent à quel moment ils vont pouvoir se reposer, retrouver leurs familles, programmer des vacances. Le dialogue social porte aussi sur ces sujets-là même s’il ne s'est jamais interrompu ; il s'est même modernisé à certains égards. Il faudra trouver des solutions négociées partout où c'est possible et, au mieux, partager l'information avec l'ensemble des acteurs et collaborateurs de l'entreprise. Tout doit être fait pour réduire les causes de tension sociale lors de la reprise car c’est la condition de l’engagement et de la motivation. N’oublions pas qu’au début de cette crise, nous sortions d’une longue période de tension au niveau national.

Pensez-vous que les entreprises pourraient être mises à contribution si un éventuel tracking venait à se mettre en place ? 

Pour l'heure, nous n'avons pas plus d'informations, mais on peut penser que les entreprises devront assurer un suivi du tracking au sein de leurs locaux, ce qui soulève des questions d'éthique et de libertés individuelles. On pourrait toutefois envisager une application dédiée à l'entreprise et donc totalement fermée. Un débat au Parlement aura lieu fin avril sur ce sujet et nous saurons alors si ce sujet relèvera des pouvoirs publics ou des organisations.

Après la grève des transports, la crise sanitaire a fortement mobilisé le télétravail. Quels enseignements en tirez-vous ? 

Déjà cela ne concerne qu’une partie des salariés car beaucoup de métiers ne sont pas adaptables au télétravail. Cela dit, des salariés n'avaient pas encore découvert les vertus du télétravail (ne pas prendre les transports en commun, etc…). Cette crise pourrait contribuer à faire évoluer le modèle français majoritairement fondé sur le présentéisme et favoriser l’attractivité du télétravail vu des salariés. En télétravail, le décompte en heures est il pertinent ? On voit bien dans la phase actuelle que la charge de travail ne relève que très peu de cette logique d’ailleurs incontrôlable. Du point de vue des entreprises, le développement du télétravail a aussi un intérêt car nous ne sommes pas à l'abri d'autres phénomènes : grèves, intempéries etc. mais on peut y trouver aussi des gains immobiliers par exemple et surtout des conditions rénovées de qualité de vie au travail. Les entreprises ont donc intérêt accélérer leur digitalisation, à réfléchir à leur organisation du travail dans toutes les dimensions et pas seulement du télétravail. La question qui va se poser est de savoir comment aménager le temps de travail en alternant télétravail et présence physique. La tendance pourrait à certains endroits s'inverser : plus de télétravail et moins de présentiel. La question de la mobilité géographique sera regardée avec un autre oeil aussi. On constate aussi que la digitalisation n'est pas forcément un problème intergénérationnel.

Cette crise et ses conséquences sur la "vie au travail" conduira aussi à repenser les compétences manageriales : manager des salariés présents et manager des salariés en télétravail est bien différent et provoquent un haut niveau de sollicitation comme on le voit en ce moment.

Comment le coronavirus va révolutionner le travail ?

Huit millions de Français travaillent aujourd'hui depuis chez eux en raison du confinement imposé par le Coronavirus, levant de nombreux obstacles qui existaient jusqu'alors. C'est l'occasion pour les entreprises de revoir leur modèle et de sortir d'une culture managériale du contrôle pour tendre vers plus d'autonomie, de confiance, de travail en équipe et d'apprentissage continu. Un modèle qui sera bien plus résilient face aux crises à venir.

Le confinement a imposé le télétravail dans les entreprises qui peuvent le proposer et qui étaient jusque-là assez frileuses.

Le télétravail s’est développé de façon exponentielle ces dernières semaines, confinement oblige. D’après le ministère du Travail, huit millions de salariés l’exercent désormais, contre 1,8 million en novembre dernier. Et ils ne sont pas les seuls. Le nombre de médecins proposant la télé-consultation sur Doctolib a explosé, passant de 3 500 à 35 000 en quinze jours. Les professeurs, y compris de sport, multiplient les cours en ligne. Et les experts du Giec, le groupe intergouvernemental sur le climat, expérimentent cette semaine une réunion de travail virtuelle : 250 personnes connectées à travers la planète sur différents fuseaux horaires.

"Après les petits chaos du début, le télétravail semble être entré dans les mœurs et le fossé générationnel qui existait se réduit considérablement. C’est d’autant plus remarquable que les conditions exceptionnelles que nous connaissons (isolement, garde d'enfants...) ne seront pas la norme demain, analyse Vinciane Beauchene, directrice associée chez le cabinet de conseil BCG. "Mais attention, sa généralisation suppose une révolution des pratiques managériales", souligne-t-elle.

Nouvelle culture managériale

Il ne suffit donc pas d’avoir les bons outils pour espérer voir venir cette révolution. "Une bascule doit s’opérer du côté du management : passer moins de temps sur le contrôle mais plus de temps à donner la direction afin que tous les salariés soient alignés sur l’objectif de l’entreprise. Les managers devront également faire confiance, donner plus d’autonomie aux salariés et réinventer le travail en équipe à distance avec des routines et un cadre clairEn contrepartie, il faut une culture de la transparence de la part des collaborateurs partageant les progrès réalisés comme les obstacles auxquels ils font face", détaille Vinciane Beauchene.

Le cabinet de conseil estime que quelque soit le secteur, favorisé ou pas, seuls 14 % des entreprises réussissent à tirer leur épingle du jeu et sortent plus fortes des crises. "Le coronavirus peut être l’occasion pour les entreprises de s’interroger sur leur capacité à s'adapter à ces changements brutaux et mettre en place une nouvelle organisation du travail plus résiliente alors que le monde de demain sera extrêmement instable", estime Salima Benhamou économiste au département Travail, emploi, compétences à France Stratégie et experte sur les questions d’avenir du travail.

La chercheuse défend le modèle de l’organisation apprenante pour sortir de la crise. Dans ces structures, les salariés y sont polyvalents, participent activement à l’élaboration des objectifs avec la hiérarchie, apprennent en continu et disposent d’une forte autonomie et d’une aptitude à résoudre des problèmes complexes. "Notre manière de travailler et d’apprendre ensemble (de nos succès comme de nos erreurs), notre capacité à se remettre en question et à sortir des normes et des règles préétablies seront déterminants pour le futur. En ce sens, l'organisation apprenante apparaît comme la plus adaptée", explique-t-elle.

La France à la traîne sur les organisations apprenantes

Face au Covid-19, certaines entreprises françaises ont démontré leur agilité. LVMH a converti trois de ses sites de production de parfum à la fabrication de gel hydroalcoolique pour fournir gracieusement les hôpitaux, PSA, Renault et Air Liquide se sont mis à la fabrication de respirateurs tandis que l’industrie textile a rebranché ses machines pour fabriquer en urgence des masques. Reste que la France, avec 43 % des salariés du privé travaillant dans une organisation apprenante (1), se situe encore bien loin des pays nordiques et du Pays-Bas où les taux montent entre 54 % et 62 %.

"Nous plaidons pour la mise en place d’un programme national ambitieux pour l’innovation organisationnelle et managériale au service du progrès économique, social et environnemental. Améliorer le système d’éducation, la formation professionnelle et la formation au management des dirigeants est aussi au cœur de nos recommandations et répond aux attentes de plus en plus fortes des salariés" conclut Salima Benhamou.

De quoi motiver cette armée de télétravailleurs qui devra reprendre le chemin du bureau après la crise. "Cela se fera moins par défaut que par nécessité, veut croire Vinciane Beauchene. La crise aura permis de revaloriser le bureau comme espace de lien social et de convivialité."

Concepcion Alvarez, @conce1

(1) Voir l'étude de France Stratégie sur les organisation apprenantes

La transformation des entreprises, priorité numéro 1 des DRH

En cette période de crise sanitaire, les axes prioritaires de travail des DRH ne semblent pas modifiés. Ils sont même réaffirmés notamment en matière de transformation des organisations.

Selon le baromètre DRH publié par Gras Savoye Willis Towers Watson, pour la grande majorité des professionnels du secteur (91 %), soutenir et accompagner la transformation de l’entreprise est la première priorité et même la priorité absolue pour 71 % d’entre eux.
Par ailleurs, améliorer l’expérience  des salariés semble central pour 53 % des répondants. Vient ensuite la nécessité de moderniser, digitaliser et transformer la fonction RH pour 47 % des DRH.
“Les grandes tendances qui émergent trouvent un écho encore plus tangible dans le contexte actuel : l’impact du digital dans les organisations, le recours au télétravail, la mise en place d’organisations agiles, le rôle de la fonction RH, explique Laurent Termignon, directeur de l’activité talent & rewards chez Gras Savoye Willis Towers Watson.  Cette dernière continue d’apparaître durablement comme majeure pour soutenir et accompagner les projets de transformation des entreprises.”

À lire aussi : Coronavirus : les DRH préparent déjà l’après-crise

Le baromètre nous apprend également que pour les DRH, la transformation de l’entreprise passe avant tout par la mise en place d’une culture favorisant l’innovation et l’agilité (84 %), la mise en œuvre d’une gestion des emplois et des parcours professionnels (56 %), à égalité avec la flexibilisation des organisations et du temps de travail (56  %). À noter que la dématérialisation des tâches et la robotisation (52 %), la mise en place d’une culture internationale (41 %), l’introduction d’un nouveau mode de gouvernance (35 %) et la restructuration de l’entreprise (34 %) sont également des leviers importants pour un bon nombre de DRH.

Engagement et fidélisation des collaborateurs

Enfin, afin d’assurer la diversification des ressources et des statuts d’emplois, les DRH privilégient le recours à l’intelligence artificielle et la robotisation (36 %) et l’utilisation de plates-formes de talents (36 %). On note, une hausse du recours à l’intrapreneuriat (31 %) porteur d’innovation, ce qui est en adéquation avec l’objectif d’agilité et de flexibilisation de l’organisation.
Selon le baromètre, face aux enjeux de transformation des entreprises, l’attractivité et la marque employeur (92 %) et le développement des compétences (90 %) sont les grandes priorités de leur politique de gestion des talents. Par ailleurs, 89 % des DRH considèrent l’engagement et la fidélisation des collaborateurs comme étant prioritaire pour optimiser cette politique. Le développement des compétences de leadership (80 %), le management de la performance (73 %) et la gestion des hauts potentiels (61%) sont identifiés comme des leviers clés pour mener à bien les priorités des entreprises.

Marie Roques
Rédactrice en Chef

Télétravail : « On a besoin de managers empathiques et bienveillants »

Emmanuelle Léon, professeur de management des ressources humaines à l’ESCP Business School, directrice scientifique de la chaire « Reinventing work », travaille sur le management à distance depuis une vingtaine d’années. Ses conseils pour bien encadrer ses équipes en période de confinement, et ses pistes pour préparer l’après.

Du jour au lendemain, les managers se sont retrouvés en situation de télétravail généralisé. La solution simple est alors de se contenter de transposer les process habituels, en les adaptant aux outils de travail à distance. Faut-il changer sa façon de manager ?

On est certes en télétravail, mais surtout en situation de continuité d’activité à distance. Tout s’est fait dans l’urgence. Du coup, au démarrage, les managers ont été tentés de faire comme d’habitude : maintenir toutes les réunions, les pauses café du matin, etc. Aujourd’hui, c’est en train d’évoluer, les gens se disent qu’il faut peut-être faire autrement. On est sur du télétravail à temps plein, ce qui très inédit. Cela signifie qu’il faut transformer son type de management : on ne peut pas faire autrement que de manager par objectifs. Il faut lever le pied sur le contrôle, arrêter toute forme de micro-management. Et pourtant, on voit des managers qui calent des réunions à 8h30 et à 17h30 tous les jours pour garder la main. Un manager contrôlant a tous les moyens de le rester à distance… mais ce n’est pas la bonne solution. Au contraire, il faut laisser plus de place à la confiance et à la délégation, ce qui n’exclut pas le contrôle mais un contrôle sur les objectifs, pas sur la présence ! Et encore, en France, nous avons la chance d’être protégés juridiquement. Aux Etats-Unis, on assiste à un boom des logiciels de contrôle, qui permettent de savoir à tout moment ce que font les gens, de prendre des photos d’eux et de leurs écrans toutes les dix minutes… Il est aussi indispensable d’être beaucoup plus organisé dans sa communication. On ne peut pas conserver dix canaux différents pour communiquer, sinon, à un moment, on perd les collaborateurs, qui sont sur-sollicités. La distance et l’improvisation ne sont pas compatibles.

Ce que vous soulignez, c’est que ce n’est pas seulement du télétravail, mais du télétravail de crise. Quelles ressources cela demande-t-il, de la part des managers ?

Les deux compétences clés, et on ne peut pas les acquérir facilement si l’on en n’est pas doté, c’est l’empathie et la bienveillance. Il faut savoir prendre en compte la situation personnelle de chacun de ses collaborateurs. On a besoin de managers qui comprennent ce que vivent leurs collaborateurs. C’est important, notamment parce qu’un jour on va revenir en présentiel, et la façon dont les managers se seront comportés pendant cette période aura un impact énorme sur ce qui se passera par la suite.

Comment préparer ses collaborateurs à ce futur retour à la normale ?

Ce qui me paraît essentiel, c’est de ne pas revenir au bureau comme si de rien n’était. C’est l’occasion de mener une vraie réflexion sur les méthodes de travail, sur le télétravail (ceux qui ne le pratiquaient pas s’y sont mis, qu’ont-ils appris ? Comment imaginer un meilleur équilibre entre les temps de travail au bureau et hors bureau ?), de repenser les modes de communication entre individus, et aussi les modes de formation. Il va falloir réinventer des normes de comportements en présentiel, à l’aune du bilan du confinement. Par exemple, sur les réunions, certains se rendent compte aujourd’hui des vertus de transmettre un ordre du jour, planifier les prises de parole et rédiger un compte-rendu !

Des salariés se plaignent de passer leurs journées en visioconférence. Y a-t-il un risque de reproduire la culture du présentéisme via la multiplication de ces réunions ?

La visio toute la journée, c’est épuisant. Cela ne va pas tenir. Mais il y a des managers qui se sentent complètement perdus. La visioconférence est un moyen de se rassurer. Mais a-t-on vraiment besoin de toutes ces réunions ? A-t-on vraiment mis autour de la table - même virtuelle - les bons protagonistes ? Pour le savoir, il suffit de vérifier que tout le monde a un rôle à jouer dans cette réunion. Si je n’ai pas de rôle actif, le compte-rendu devrait me suffire. Ce sont tous ces modes de fonctionnement qui devraient faire l’objet d’une réflexion, aujourd’hui à distance… et demain en présentiel. N’oubliez pas qu’en ce moment la visioconférence peut être perçue comme intrusive par certains de vos collaborateurs si ces derniers n’ont pas un espace de travail dédié. Ce n’est pas eux qui ont choisi de vous ouvrir la porte de leur domicile : ce sont les circonstances qui les y ont contraints. Autre point important : faire preuve de charisme, à distance, n’est pas facile. Un manager bien organisé, disponible et réactif sera beaucoup plus apprécié à distance qu’un manager charismatique !

Cet accès à l’intimité est vu positivement par certains dirigeants, au motif qu’elle humaniserait les relations. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que cela dépend des relations que le manager entretenait avec son équipe avant cette crise. Ce n’est pas à distance que l’on va développer de l’intimité, me semble-t-il. En revanche, faire preuve de respect en étant à l’écoute des besoins de ses collaborateurs (certains ayant besoin d’un contact quotidien, d’autres non) me semble essentiel. Ce n’est pas au manager de décider seul des modalités de communication avec chacun. S’il en a envie, le manager peut tout à fait imaginer quelque chose autour de son univers personnel, mais c’est son choix. Il ne peut pas l’imposer aux autres.

On demande beaucoup aux managers, en ce moment, de détecter les situations de détresse et de stress des salariés. Comment amener cet accompagnement psychologique ?

On frise l’aberration, c’est dangereux. Les managers ne sont pas des psychologues, ils ne sont pas formés comme tel, ce n’est pas leur rôle. Ils sont là pour accompagner la réalisation d’objectifs. Qu’ils comprennent les problèmes des uns et des autres pour ajuster leur management, soit. Qu’ils soient soucieux du bien-être de leurs collaborateurs, tant mieux ! Mais il ne faut pas mélanger les rôles. Plus l’épidémie avance, plus les gens vont se sentir mal. C’est le moment pour les entreprises de mettre en place des cellules d’accompagnement psychologique, ou des partenariats avec des coachs professionnels. Si le manager est un maillon essentiel pour alerter, ce n’est pas à lui de gérer ce type de problème psychologique. Il risque de faire plus de mal que de bien, et de se retrouver lui-même dans une posture très délicate.

Alors que le confinement est appelé à durer encore au moins un mois, comment maintenir la motivation de ses équipes ?

Ou comment la réenclencher, quand elle n’était déjà plus là ! La motivation, c’est d’abord une motivation sur un projet. Si les salariés voient un sens à ce qu’ils font, ils seront motivés. Cela fait des années que les études nous montrent un désengagement croissant des salariés vis-à-vis de leur entreprise. Dans le contexte actuel, la posture sociétale de l’entreprise peut avoir un impact positif sur l’engagement de ses collaborateurs. Paradoxalement, il peut sortir grandi d’une crise comme celle-là, notamment dans le secteur de l’assurance qui doit répondre présent. Et inversement, on n’oubliera pas ceux qui se seront mal comportés pendant cet épisode.